INTERVIEW Karim BEN YOUNES (@k_ben_younes), consultant en e-réputation et communication digitale, nous répond sur l’Eréputation des hôteliers et des restaurateurs.
L’e-réputation, selon vous, est-ce un enjeu majeur pour les acteurs du Tourisme ?
Je dirais même plus. C’est l’enjeu majeur. Le web social remplace le bouche-à-oreille, il remplace même les guides touristiques. Même si l’e-réputation peut être manipulée, les touristes font très majoritairement confiance aux internautes (93% des voyageurs disent que les avis en ligne ont un impact sur leurs décisions de réservation). Finalement, celui qui laisse une recommandation peut être un consommateur auquel on peut s’identifier. Ce qui n’est pas le cas du rédacteur du guide Michelin qui ne paye pas son dîner par exemple. Le web social pousse à repenser totalement la relation client, celle-ci définira votre communauté d’ambassadeurs ou de détracteurs sur les sites de recommandations.
Il existe un marché parallèle de l’achat d’avis, qu’en pensez-vous ?
C’est vraiment risqué et c’est surtout illégal. Surtout, il ne faut pas sous-estimer le flair des internautes et des modérateurs, bien évidemment. Il existe de vrais communautés qui veillent aux bons usages de ses sites. Les faussaires n’y sont pas appréciés. Certains prennent un malin plaisir à rechercher les faux avis. Si vous êtes pris en flagrant délit de falsification, vous risquez gros.
Comment reconnaître un faux avis d’un vrai ?
Certaines sociétés font du baronnage. Elles font appel à des sociétés étrangères pour inonder le web d’avis positifs. Souvent, on pouvait les reconnaître par leur français maladroit. Mais ce n’est pas toujours aussi facile de les dénicher. Les sites de recommandations mettent en avant les contributeurs les plus prolifiques. Les faux avis proviennent généralement d’utilisateurs qui s’inscrivent pour une unique contribution. Mais ces éléments sont difficiles à déceler. Pour cela aussi une norme est née. Elle oblige entre autres les sites de recommandations à demander une preuve d’achat aux utilisateurs. Du coup, il est plus difficile de tricher, mais tous les sites de recommandations n’ont pas encore la norme AFNOR. C’est le cas de Trip Advisor notamment… Quoi qu’il en soit, si vous pensez qu’il y a des avis douteux, si vous pensez être victime d’une campagne de dénigrement ou de chantage à l’e-réputation, consultez un professionnel.
Vous avez parlé de chantage à l’e-réputation, de quoi s’agit il ?
Certains clients menacent d’écrire des avis négatifs contre une meilleur prestation, voire contre la gratuité de celle-ci. C’est une pratique malveillante qu’on voit dans tous domaines malheureusement et qui continuera tant qu’on aura pas une vraie politique d’éducation aux médias et de vrais protections juridiques pour les professionnels.
Est il possible de supprimer un “vrai” avis négatif ?
Ce serait trop facile. Vous avez un droit de réponse qui vous permet de montrer votre prise en compte des critiques. Il faut également différencier dénigrement et avis négatif. Mais le dénigrement, s’il est puni par la loi, est assez difficile à mettre en évidence. Prouver une volonté de nuire est difficile, il faut agir au cas par cas. Si vous arrivez à convaincre la justice, il reste possible que les internautes trouvent la sanction judiciaire excessive. Vous risquez alors de vous mettre à dos toutes les communautés attachées à la liberté d’expression – même si le dénigrement est considéré comme un abus de cette liberté. Par exemple, une blogueuse a été condamnée pour une critique négative, mais cette sanction à été perçue très négativement, ce qui a généré un badbuzz. On appelle ce type de réaction “l’effet Flamby”, ou “l’effet Streisand”. L’utilisation abusive de la sanction judiciaire pour condamner des propos d’internautes entraîne souvent un effet dévastateur sur l’e-réputation.
Quels sont les démarches possibles pour les professionnels du tourisme ?
Avant de penser aux démarches, le professionnel doit intégrer de bonnes méthodes de veille. C’est à dire qu’il doit être au courant quasi-instantanément de la publication de contenus qui le concernent. Ensuite, il doit dans un premier temps voire si celui ci est abusif. C’est à dire qu’il ne respectent pas les règles d’usages (ou netiquettes) du site qui recueille l’avis. Les modérateurs sont souvent réactif et réceptif. Si l’avis négatif est légitime, ce n’est pas grave. Toutes les entreprises peuvent en avoir. Mais profitez de votre droit de réponse pour montrer que vous avez pris en compte ces critiques et qu’elles vous permettent de vous améliorer. Dans tous les cas, soyez diplomates et ne cherchez pas le clash.
L’autre recommandation est bien sur bien sur d’inciter vos clients à vous recommander. Pour faire simple, le message que vous devez réussir à faire passer dans votre établissement est celui-ci : “Si vous avez aimez votre séjour recommandez-nous sur … , si quelque chose n’est pas à votre convenance, venez nous en parler et on se chargera de vous satisfaire”. Dans une situation idéale, le client viens vous parler de ce qu’il n’aime pas en face à face. Mais il faut bien évidement se montrer accessible. J’ai souvenir d’une pièce de théâtre que j’avais vue dans le Vieux Nice. Les nombreux avis positifs m’avaient convaincu. La pièce n’était pas exceptionnelle, mais la petite troupe a passé les dix dernières minutes à expliquer comment mettre un avis sur un célèbre site de recommandation. C’était mis en scène, collaboratif et très fun. Au final, une bonne partie du public a eu envie de laisser un avis sympa. Elle sait qu’il sera lu par les comédiens et peut-être même devant un public. Bien sûr, le restaurateur ne peut pas faire la même chose, mais on peut inventer d’autres manières amusantes et impactantes de pousser ses clients à vous recommander.
Un dernier conseil pour les hôteliers et restaurateurs de France et en particulier de la Côte d’Azur ?
Mais cela ne suffit pas toujours à combattre toutes les injustices. Les professionnels du tourisme doivent constituer une vraie force de pression pour influer sur les sites qui recueillent les avis. La justice doit aussi évoluer pour prendre en compte les préjudices que subissent les professionnels. Au-delà de tout, il faut éduquer les citoyens pour en faire des internautes responsables. Bref, il y a heureusement de nombreuses astuces pour avoir honnêtement une bonne e-réputation, mais il y a aussi un travail de fonds à mener conjointement avec ces professionnels pour qu’internet reste un espace de recommandation honnête et équitable.